Le parc éolien d’Aumelas (groupe EDF) condamné pour destruction d’espèces protégées

Entre 2006 et 2012, 31 éoliennes ont été installées sur le Causse d’Aumelas dans l’Hérault, au sein d’un site Natura 2000 désigné pour la protection d’espèces d’oiseaux menacées. Ces éoliennes sont exploitées par 7 filiales de la société EDF. Par une décision – sans précédent – du 2 mars 2021, suite à un recours de FNE, la cour d’appel de Versailles a déclaré ces 7 sociétés responsables de destruction illégale d’espèce protégée. 

Des éoliennes qui impactent gravement une espèce en danger : le Faucon crécerellette

A proximité des éoliennes d’Aumelas, les villages de Saint-Pons de Mauchiens, Villeveyrac et Saint-Pargoire sont connus pour héberger la plus importante colonie de France de Faucons crécerellette. Ce petit rapace grégaire (qui niche en groupe) a frôlé l’extinction en France dans les années 1980. Grâce aux efforts des associations de protection de la nature et à un « Plan National d’Actions » (PNA) financé par le Ministère de la Transition Écologique(1), cette espèce est actuellement en cours de rémission démographique(2), mais elle reste très localisée et toujours classée dans la liste des espèces en danger d’extinction en France. Depuis 10 ans, parmi les 31 espèces protégées impactées par les éoliennes d’Aumelas(3), une cinquantaine d’individus de Faucon crécerellette ont été retrouvés morts au pied des éoliennes de ce parc. Selon le bilan du PNA, ces 50 individus ne constituent que la part visible de la mortalité causée par le parc. Ils estiment même la mortalité due au parc plus proche des 150 individus. Compte tenu de ces chiffres, les responsables de ce plan considèrent que la principale menace qui pèse sur la population héraultaise de Faucons crécerellette est le parc éolien d’Aumelas.

Une décision judiciaire qui rappelle clairement l’industrie éolienne à la loi sur les espèces protégées

Par sa décision inédite, la cour d’appel de Versailles rappelle que la destruction d’un seul individu d’une espèce protégée par une éolienne est interdite par la loi, et que les promoteurs éoliens, même liés à EDF, doivent respecter cette interdiction. Elle rappelle que sous certaines conditions strictes (tenant notamment à l’objectif de maintenir les populations d’espèces protégées), la loi autorise le préfet à délivrer des autorisations de détruire des espèces protégées. Mais, depuis 2012 et les premières découvertes de mortalités d’oiseaux protégés, les sociétés filiales d’EDF se refusent avec constance à présenter une telle demande d’autorisation au préfet de l’Hérault ; ces sociétés estiment, à tort, qu’elles ne sont pas soumises à l’interdiction légale de détruire des espèces protégées.

Une remise en question des pratiques laxistes de la préfecture de l’Hérault

Cette exploitation illégale perdure depuis des années avec la complicité implicite de la préfecture qui, malgré le constat de mortalités d’oiseaux importantes, répétées et prévisibles, refuse toujours de soumettre les éoliennes d’Aumelas à l’interdiction de détruire des spécimens d’espèces protégées. L’indulgence de l’État à l’égard de ce parc éolien – parmi les plus meurtriers de France – est d’autant plus surprenante qu’en janvier 2020, la DREAL a rédigé un « rapport en manquement » concluant à la nécessité d’une dérogation et à la suspension conservatoire de l’exploitation des éoliennes pendant la période de présence des Faucons crécerellette. A ce jour, le préfet de l’Hérault n’a donné aucune suite à ce rapport en manquement, en méconnaissance manifeste du code de l’environnement. Pour quels motifs ? La loi commune est-elle applicable ou non à la société EDF ? 

« Les parcs éoliens implantés aux mauvais endroits, sans considération sérieuse des risques pour la biodiversité, font plus de mal que de bien à la filière éolienne, alors que nous avons besoin de changer de mix énergétique. Nous sommes soulagés qu’au bout de 10 ans de combat face à la toute puissance d’EDF, cette société soit enfin rappelée à la loi. C’est un signal envoyé à tous les opérateurs d’EnR en matière de prise en compte des enjeux de biodiversité.
Forts de cette décision de justice(4), nous demandons désormais à l’État d’imposer l’arrêt des éoliennes d’Aumelas pendant la période de présence des Faucons crécerellette(5). Parallèlement, les 7 sociétés-écrans, créées, gérées et possédées par EDF, doivent être mises en demeure de déposer une demande de dérogation pour la destruction d’espèces protégées comme la loi l’impose et alors que la DREAL est parfaitement informée de ce grave manquement. Si une telle dérogation ne peut être délivrée en raison des importantes conséquences environnementales du parc, les éoliennes devront être démontées.
L’érosion massive de la biodiversité qui frappe le patrimoine naturel de notre pays (cf. constat UICN rendu public le 3 mars 2021) tient en partie aux carences substantielles de l’Etat dans l’application des législations protectrices des espèces menacées, et à l’irresponsabilité de certains des plus grands opérateurs économiques de notre pays, comme EDF.»

Simon Popy

président de France Nature Environnement Languedoc-Roussillon

(1) PNA 2007-2020 : 1 760 769 € ; qui s’ajoutent au LIFE 2002-2006 : 194 771 €, et LIFE 2005-2009 : 1 299 872 € (réintroduction dans l’Aude)

(2) En 2018 , 220 couples pour le noyau héraultais, sur 422 en France

(3) 320 cas de mortalité sont recensés sur la période allant de 2010 à 2019, dont 172 oiseaux et 148 chauves-souris. Parmi les cadavres récoltés, 230 sont identifiés à l’espèce (72%) dont 165 oiseaux (96%) appartenant à 28 espèces dont 24 sont protégées et 65 chauves-souris (44%) de 7 espèces protégées.

(4) Décision de la cour d’appel de Versailles du 2 mars 2021

(5) La DREAL conclut dans son rapport en manquement à la nécessité de mise à l’arrêt 30 minutes avant l’heure légale de lever du soleil, jusqu’à 30 minutes après l’heure légale de coucher du soleil, du 10 avril au 20 août de chaque année calendaire, ce qui permettra une réduction de 95 % des cas de mortalité pour ces espèces en 4 mois et 10 jours. Nous reprenons cette demande à notre compte.